Durant sa période faste sur le Tour de France, Eddy Merckx a connu rarement une opposition à la hauteur de sa classe légendaire. Le romantisme et la hargne de Luis Ocaña ont pourtant failli faire chuter le Roi belge dès 1971… Ironie de l’histoire, c’est bien le romantique espagnol qui chute au cours de cette édition
Le plus grand rival de Merckx
L’histoire du Tour de France est jalonnée de récit de rivalité très forte entre plusieurs champions de légende. Entre le duo Contador VS Schleck ou encore la compétition entre Anquétil et Poulidor, une opposition entre deux coureurs au caractère bien trempé a marqué les esprits au début des années 1970. Eddy Merckx commence alors à confirmer sa domination sur le cyclisme international, en remportant les éditions 1969 et 1970 de la course. Maître incontesté du circuit, « Le Cannibale » voit son statut de leader disputé avec acharnement par Luis Ocaña, un Espagnol qui a juré de le battre sur le Tour.
Né en 1945 en Espagne, Luis Ocaña s’installe dans le Sud-Ouest de la France en 1957 et y vit ses premières courses à vélo. Enrôlé par l’équipe Bic en 1970, le coureur espagnol s’est fixé comme objectif de carrière de mettre fin à la suprématie d’Eddy Merckx sur le cyclisme mondial. Après une bonne saison chez Bic, le coureur ibère aborde l’édition 1971 plus motivé que jamais. Cette année, il réussit même à faire douter le champion belge, en lui subtilisant le maillot jaune, avec 8 minutes d’avance, durant la traversée des Alpes… lors de l’étape de montagnes Grenoble-Orcières-Merlette, longue de 134 km. Puis vient l’étape pyrénéenne entre Saint-Gaudens et Luchon.
Une chute, un tournant
Au pied du col de Portet-d’Aspet – la première difficulté de l’étape, Merckx place une, puis deux attaques fulgurantes, que l’Espagnol parvient sans mal à suivre. Les deux champions poursuivent leur duel dans la descente, avant l’ascension du col de Menté. La pluie commence alors à tomber, puis la lumière du jour disparaît peu à peu, plongeant les côtes des Pyrénées dans une nuit sombre, où la visibilité ne dépasse pas 10 mètres. Même dans ces conditions, « Le Cannibale » ne ralentit pas sa cadence, trop occupé à se soucier de son duel avec le coureur espagnol.
Dans la descente du col de Menté, les deux champions arrivent à hauteur d’un virage en épingle. Pris au dépourvu, les deux concurrents de tête chutent. En tête, Eddy Merckx passe par-dessus la rambarde et son vélo, puis atterrit dans la boue et l’herbe. L’Espagnol subit le même sort, mais en pire : au lieu de tomber sur de l’herbe, il percute violemment les roches. Il se relève ensuite, mais ne voit pas arriver en toute vitesse d’autres coureurs, dont Joop Zoetelmek, Joaquim Agostinho et Vincente Lopez-Carril lui foncer droit dessus. Face à la violence des chocs, il perd connaissance, puis est évacué en hélicoptère vers une clinique de Saint-Gaudens.
Le respect pour Merckx, la gloire pour Ocaña
Eddy Merckx se relève rapidement du crash et roule tranquillement à travers les Pyrénées, recouvrant ainsi son retard. Il récupère par la même occasion le maillot jaune, même s’il refuse de le porter le lendemain par égard à son rival toujours sur son lit d’hôpital. « Le Cannibale » remporte finalement le Tour de France 1971, tout en étant conscient qu’il aurait pu le perdre sans la mésaventure de l’Espagnol. Luis Ocaña remporte finalement son seul et unique Tour de France en 1973 – mais en l’absence d’Eddy Merckx – avant de se retirer du circuit en 1977. En bon romantique qu’il est, il se lance dans la culture de la vigne après sa retraite et devient producteur d’Armagnac, mais aussi du vin des Côtes de Gascogne « le domaine de Miselle ». Ce vin est encore servi actuellement dans les restaurants et hôtels des Pyrénées, comme Au Primerose Hôtel, qui souhaite faire vivre la mémoire de ce coureur ambitieux, le seul à avoir fait trembler Eddy Merckx sur la Grande Boucle.